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" Un Bogoss capricieux "
Episode 3
15- Le chat botté.
Dans l’épisode précédent, je parlais de sa préoccupation "fessière". Ce soucie ayant été résolu, je m’attelais à son autre son obsession: l’élégance de ses pieds.
Les chaussures de bogoss étaient toutes de grande facture. La maison Berluti Fg St Honoré, juste en face d’Hermès était son fournisseur préféré.
Cette institution "habillait" depuis plus d’un siècle, tous les célèbres pieds du monde entier.
J’ignore si le président de la République Française proche voisin, était chaussé de Berluti, en revanche Charles Michel possédait plus de 40 paires de toutes nuances, de toutes formes.
Il était un fidèle client, très attaché à ses pompes personnalisées cousues mains à € 4000 la paire.
C’est beau d’être fortuné lui dis-je, surtout s’il s’agit de se transporter en "bottes de sept lieues".
Personnellement, je n’avais eu jamais le plaisir de porter des chaussures aussi fabuleuses, j’aurais certainement eu peur de mettre mes pieds dehors...
Alignées, sur les présentoirs de son dressing, tous les modèles disposaient d’embouchoirs, de leur housse de protection, ainsi que de leur sac de transport.
Elles étaient classées par catégorie : à lacets, à boucles, mocassins, bottines, baskets, sneakers etc..
Dans le placard, j’avais une boîte fourre-tout. Ce petit rangement contenait toutes les sortes de cirages, de cires, ainsi que des lacets de différentes couleurs et styles, pour customiser ses goûts du moment.
Je passais beaucoup de temps à entretenir les cuirs de ces véritables œuvres d’art cousues-main. Entre-nous, c’était un presque plaisir d’entretenir ces beaux cuirs.
Comme le proclamait l’ancienne réclame : « le cuir a su vous séduire, sachez l’entretenir » je m’y employais !
J’ôtais les lacets, j’appliquais ensuite généreusement une crème ou une cire incolore nourrissante. Cette action me permettait de retirer la poussière, et l’ancien cirage qui s’était infiltré dans les pores du cuir...
Cette opération était appelée : la mise à nu.
J’insistais bien sur les plis de marche ainsi que sur les talons. J’étais devenu en quelques séances, un authentique cireur "es pompes".
16- Ordo ab chaos
Précédemment, je vous avais expliqué la méthodologie d’organisation que j’avais adopté pour son appartement. Petit à petit, la surface s’enluminait et s’illuminait, grâce aux excellents conseils de mon collègue Geoffroy.
Il était important qu’il soit agréablement installé, qu’il se sente bien chez lui, pour cela, il me fallait un budget.
Bien qu'il fût riche, il était d’une pingrerie, proche de l’avarice. Habile négociateur, il était toujours en train de rogner ici et là, ce qui me faisait sans cesse sourire.
Tous les matins, je récupérais avec sa bénédiction la petite monnaie de ses poches à l’exception des pièces bicolores, pour alimenter la cagnotte secrète. Cette tirelire me permettait de gratifier discrètement les livreurs et les jardiniers.
Je ne l’ai que rarement entendu, utiliser les mots: partage, gratitude, don, encore moins les mots gratuits et pourboire. Mais avare à ce point, je m’interrogeais. En revanche, il était généreux avec moi, il ne rechignait jamais .
17- Très difficile à cerner !
Ma relation avec lui était totalement différente de mes emplois antérieurs traditionnels et, pour cause. Cependant, je demeurais stoïque, mais pas résigné pour autant. Plus rien ne m’étonnait.
Je devenais un majordome caméléon, finalement cela m’amusais de le voir jouer avec sa puissance financière récente. De plus en plus, je m'interrogeais, arriverais-je à rester intact ?
Comme je le précise souvent, il est impératif et essentiel pour un majordome de s’adapter à toutes les circonstances professionnelles.
Nonobstant certaines circonstances sont plus prégnantes et contraignantes que d’autres ou carrément farfelues.
Le processus mental de Charles-Michel était toujours machiavéliques et mûrement calculé "je te nique donc j'existe" .."j'existe puisque je te nique" sauf moi .
Dés qu'il rencontrait professionnellement ou amicalement une personne, il se comportait en prédateur, c’était un autre homme qui entrait en scène: un aigrefin.
Il affinait ses critères de séduction et décidait de la stratégie à adopter jusqu’à acculer son visiteur au pied du mur. Lorsque j’étais présent, j’aimais beaucoup leurs algarades.
J’aimais faire des pronostics avec “moi-même”.
Il ressortait toujours vainqueur quoiqu’il arrivait.
Jeu mortel, jeu du pouvoir gare au plus faible ! Je ne voulais pas être un faible mais: un juste à la juste place, considéré et respecté justement.
Le prince de Talleyrand-Périgord avait autrefois dit: "que la simplicité et l'élégance réunies étaient les signes distinctifs de la vrai noblesse" mon jeune bogoss ne disposait ni de simplicité, encore moins d'élégance surtout pas de noblesse pour l’instant. Il essayait d’adhérer à une nouvelle noblesse, celle du pouvoir, de l’argent, de la fortune virtuelle, mais il fallait être coopté. Les codes de la bienséance, du savoir-vivre s’effritaient avec bogoss capricieux .
18- Un écorché vif.
Je découvrais progressivement qu'il souffrait énormément, il était un écorché vif.
L'humain, dont moi, passait après ses fringues, après ses chaussures à 4000€ , bien après ses caprices d'enfant gâté. Ses désirs ses fantasmes étaient nombreux.
J’osai lui dire que ce n’étais pas la peine de porter le dernier modèle de Patek-Philippe et d’être sans cesse en retard.
Au bout de quelques semaines, j’avais compris la stratégie que dorénavant, j'allais devoir adopter.
J'identifiais son tendon d'Achille: "le moi je "...
Je n'estimais pas particulièrement cette façon de fonctionner, n'étant pas un adepte de la brosse à reluire.
J'avais découvert bien qu'il fut riche, qu'il aimait le silence, la propreté, l'ordre, et d’être très bien conseillé.
Il fallait toujours être proche de lui, il détestait sa solitude.
C'était toujours le dernier qui parlait qui avait raison.
J’essayais d’être toujours le dernier à le conseiller s’il me le sollicitait et, si je maîtrisais le sujet.
Quelques années après mon départ, j’ai conservé d’excellentes relations avec lui, il lui arrive encore de m’appeler pour me demander mon avis, pour obtenir quelques conseils de bon sens.
Je suis devenu son éminence aux tempes grises.
J’ai souvent dû dormir chez lui, pour le rassurer, le conseiller, l'écouter.
Allongés nonchalamment sur ses canapés, nous visionnons des vidéos bizarres, des programmes de oufs, quelques fois des films out of market, ou darknet, glauques de chez glauques, nous étions largement alcoolisés. Je me réveillais le matin auprès de lui, me demandant: mais que m’était-il arrivé ?
Je le recouvrais d’un doux plaid, je commençais sans grand enthousiasme ma journée. Les lendemains de cuites sont toujours terribles, gueule de bois, yeux cernés, maux de tête. Au bout de la cinquième biture, j’avais pris la décision de ne plus me laisser piéger.
Je connaissais les dégâts causés par un coma presque éthylique sur une personne et, ses conséquences très souvent dévastatrices, voire catastrophiques.
Il fallait que l’un de nous deux, conserve la tête sur les épaules, étant le plus âgé, je montrai l’exemple.
Je ne me souviens pas de l’avoir vu tenir un livre entre ses mains, il lisait uniquement sur Internet et dans quelques magazines people.
Il y découvrait les nouvelles tendances du moment, les ragots mondains ainsi que les avis des "influenceurs"et des "influenceuses". Je me méfiais de ces pourvoyeuses de fake news, qui tentaient de refaire le monde en étalant leurs idées les plus farfelues et les plus contradictoires.
Je ne sais pas ce qui est le plus pitoyable, les commères qui répondent les rumeurs, ou les imbéciles qui les écoutent . Cependant, les gogos adoraient ce genre de ragots.
Je nommais ce petit monde : le monde du contre-sens.
Petit à petit, j’allais essayer de l’encourager à apprivoiser, et à aimer la noblesse des mots. Pour cela, je garnissais les tables du salon de belles publications contenant un sublime rédactionnel qui suscitèrent enfin, sa curiosité.
À l’aide de marque-pages, je soulignais ce qui était d’un sublime intérêt, petit à petit il s’apprivoisait ...
Quelques temps après ma prise de fonction, j’avais observé qu’il avait tendance à se laisser un petit peu aller.
Il avait un factotum débonnaire à son service, il savait qu’il pouvait s’appuyer sur moi.
Je retrouvais de temps à autre, ses vêtements dans les couloirs, sur les canapés du salon, ou dans la cuisine.
Je constatais qu’ils avaient étés quittés à la hâte, et précipités négligemment sur le sol. Je n’étais pas ni un Jules Vernes de la kékéte, ni un explorateur à 20 000 lieues sous la couette, mais que s’était-il donc passé ?
Sa nuit avait dû être intensément riche en émotions et plaisirs, l’excitation avait été probablement subite.
Persuadé de mon allégeance, je m’apercevais que je devenais presque indispensable.
Il connaissait ma disponibilité, certain de ma fidélité et de ma discrétion.
Lorsque notre femme de ménage était avec moi, nous traitions beaucoup de linge en interne, y compris les grands draps. Aussi rigoureuse que moi, notre travail était un alignement quasiment au cordeau.
Plus maniaque que nous ne devait pas exister.
Ses costumes de grands couturiers étaient confiés à la maison Pouyane bd Haussmann à Paris, c’était une maison d'art du soin du textile depuis 1903.
Cette institution offrait un service de teinturerie d’excellence à tous les clients exigeants, surtout fortunés.
Des grands noms de la haute couture et de la maroquinerie, des musées et autres institutions lui faisaient confiance depuis plus d’un siècle.
Les lendemains de week-end, je ne mettais pas la clé dans la serrure, sans une certaine appréhension.
Dans quel état vais-je trouver l’appartement.
Dans quel état vais-je trouver la cuisine, le salon, et lui ?
Ces situations étaient toutes nouvelles pour moi, j’avais toujours vécu auprès de familles cohérentes, normales, ou pratiquement normales.
Aujourd’hui c’était une nouvelle découverte, une exploration du monde des happy fews du XXIème siècle. Étais -je en-train d’accéder au monde d’après ? un monde de l’incohérence ?
Ce style de débauche ne m’encourageait pas à rester à son service,cependant, je continuais espérant une possible amélioration.
De plus en plus, mes facultés d’adaptation étaient mises à rude épreuve mais, je m'accrochai à mes valeurs.
C’était un jeune adulte difficultueux, à la fois moitié ange et moitié démon mais, je résistais.
Je croisais quelquefois en arrivant ses éphémères partenaires, de surprenantes rencontres de tous sexes, des canons et des thons, des pintades !
Je voyais toute sorte de jungle, un peu destroy, un peu loufoque, des drôles d’oiseaux de nuit, des chauves-souris, des morues, des limandes, et des beaux gosses légèrement paumés. Je veillais à ce qu’ils n’emportent rien de précieux ni montre, ni portable ou argent.
J’imaginais l’intensité de la soirée en fonction des flacons vides, et de la casse, j’encaissais sans dire un mot. À son réveil, en principe, il ne restait presque plus de traces visibles.
Le matin, sitôt mon arrivée, je dressais le petit-déjeuner sur la grande table, avec la presse quotidienne, la presse hebdomadaire, la presse people, le courrier, les notes: mes notes.
En fonction du climat et des rendez-vous programmés, je préparais sur deux valets en bois, deux tenues différentes avec chemises et cravates : une formelle & une Tuffery.
Les chaussures devaient être assorties à la ceinture et au porte-documents.
Les chaussettes et les sous-vêtements de marque devaient être en cohérence avec l'ensemble de sa tenue.
Tout efficace majordome doit être en mesure d’anticiper, j’essayais de viser juste.
S’il ne l’avait pas déjà fait lui-même, le contenu de toutes ses poches et sacs, était transféré dans le vide-poches.
Souvent, je récupérais montres, cartes de paiement, clés, télécommandes, espèces, monnaies entre les coussins des canapés ou ailleurs.
Après son réveil, si j’arrivais à récupérer les clés, je descendais faire le plein de sa petite mini noire. Je nettoyais les vitres, vidais les cendriers. Je la disposais prête et propre à rouler, pneumatiques à la juste pression. Je communiquais toujours avec son assistante pour connaître son emploi du temps, s’il fallait prévoir son passeport.
Pendant l’écriture de ce chapitre un collègue, lui aussi majordome, me raconte ses relations avec son multimilliardaire de boss, il me rapporte qu’il est en permanence suivi ou tracé par une caméra embarquée où qu’il se trouvait Montreux, Washington, Londres, Rome, Paris, Singapour ou Hong Kong.
Il coordonne la vie de cet homme surprenant qui gère ses multipropriétés et entreprises par procuration en échappant ainsi aux paiements des impôts.
Mon collègue est doté de différentes cartes de crédit, de sims de téléphones "intraçables" via Internet, mais il vivait en permanence sous haute surveillance.
19- Cagnotte & jardin.
Dés mes premiers jours, dés mon entrée à son service, il me testa en éprouvant mon intégrité, laissant ici et là des bijoux, argent, dans les fauteuils et canapés.
Je rassemblais dans une enveloppe les objets trouvés puis, je la déposais à son secrétariat avec lequel j’étais en contact permanent. Rapidement rassuré, il n’y eut plus de pièges, il avait admis mon intégrité.
Il recevait, je ne sais pas par quel biais des entrées en espèces, il était difficile et dangereux d’avoir autant de liquidités chez soi.
Je décidais de dissimuler cet argent dans un endroit insoupçonnable. Lui et moi seuls, connaissions
l’accès, moi seul, le montant du trésor. Le partage de ce secret créait une forte relation de confiance, mais m’inquiétait.
II y a des confidences qu’il n’est pas aisé de partager.
Notre autre secret, était le jardin du 7 éme étage.
Cet espace fleuri, nous fournissait plantes aromatiques, tomates, miels, ainsi que les fleurs pour agrémenter
l’intérieur de l’appartement qui commençait à prendre vie.
L’accès vers la terrasse traversait une petite salle en entresol. Avec son accord, cet espace fut aménagé en mini-fitness. Deux bancs articulés, un appareil à épaules, une dizaine d’haltères, finalement, j’étais le seul membre de ce club de gym le plus haut perché de Paris.
J’aimais beaucoup prendre le thé au sommet,
lézarder au soleil de la capitale, c’était un privilège rare et exceptionnel .
Lors de mes visites aux salles de ventes, je récupérais
les catalogues pour garnir les tables du salon ainsi que de prestigieux magazines à 50 000€ la page de pub.
Soudainement, son comportement devint plus humain, il me demanda d'être de plus disponible nonobstant quelques billets en plus.
Connu pour être maniaque et précautionneux, j'avais trouvé un excellent disciple. J'étais aussi maniaque que lui, à l'exception de la douche, j’y passais plus de temps que lui. La douche de sa suite était intégrée dans le hamam, on pouvait s’y allonger, s’y assoir, s’y doucher jusqu’à huit personnes. Il était fréquent qu’il s’y endorme à la chaleur de cette rassurante humidité.
Lorsqu’il était absent, je prenais de temps en temps des bains de vapeur suivi d’un gommage au savon noir.
20- Gardé à vue.
Les premiers temps, il m'observait, me testait, j'étais un gardé à vue. Il devenait de plus en plus extrêmement exigeant, il posait beaucoup de questions sur le savoir-vivre, le savoir-être, les codes, comment s'exprimer et communiquer diplomatiquement !
Le savoir-vivre ne s'achète pas lui disais-je, l'éducation doit être un réflexe. Je ne voulais pas lui donner de leçons j’essayais avec finesse de lui faire admettre qu’une montre de prestige, ou des chaussures de bottier, ne font pas l’homme.
Ce n'était pas dans ses gènes ni dans ses habitudes, alors, j'y allais petit à petit. Intelligent, il progressait vite .
Je me souviens d’un déjeuner pendant lequel, on nous avait servi des soles meunières.
Démunis, il me regardait ébarber la sole ôter l’arête centrale enfin, lever les filets.
L’apercevant inquiet, je permutais discrètement mon assiette avec la sienne pour éviter le massacre.
Quelques jours plus tard, j’avais cuisiné deux soles, je le laissais seul préparer les deux poissons, il fut un excellent élève. Finalement, je cuisinais des mets ne nécessitant aucune préparation ou de finition à table. Il était relativement mal à l’aise devant une préparation culinaire.
Je dirigeais vers lui une bienveillance de grand frère.
J’avais remarqué que toute sa génération utilisait une main pour manger, l’autre prolongée d’un portable servait à communiquer instantanément.
Récemment riche, il voulait accoster et trouver grâce aux yeux des "princes de la république" et des "ducs du cac 40" . J'étais la passerelle idéale. Je m'appliquais, je formatais mon élève, tout en me protégeant.
21- Ma garde-robe
Habillé civilement, je ne portais jamais de vêtements labellisés, j’évitais les marques, il m’en avait gentiment fait le reproche. Pour paraître plus branché, je lui suggérais, puisqu’une équipe est à l'image de son chef, de subventionner ma garde robe. Je me rendis donc chez son fournisseur pour choisir mes vêtements de travail élégants et branchés. Volontairement, je n’avais pas sélectionné les plus beaux tissus, je ne voulais quand même pas abuser.
J’avoue que j’étais beaucoup moins opportuniste que lui. Le retour d'investissement fut au delà de mes attentes.
Il avait demandé à son fournisseur d’utiliser les
meilleures étoffes pour mes ensembles et les meilleurs draps pour les deux douzaines de chemises.
Comme je l’avais souhaité , toutes les chemises avaient des cols évasés à l’italienne, ou à l’anglaise, avec double boutonnage aux poignets boutons & boutons-manchettes. Fort de presque 30 années d'expériences, cette étape que je n’espérais pas pérenne, avait commencé sur les chapeaux de roues.
Ma présence le rassurait, je mettais toute mon énergie et mes compétences à répondre à ses nombreuses attentes, mais, j'étais et je restais le majordome, son majordome.
Bien que je fusse dans son jardin privé, je préservais solidement le mien, tant bien que mal.
22- Ma zénitude.
Il était comme un enfant qui déchire fébrilement l'emballage de ses cadeaux à Noël, il me découvrait dans les deux sens du mot, je le découvrais également.
Je lui offrais ma zénitude, ma zen attitude. Connu pour être blindé, mon blindage faisait l'admiration de son entourage, s’étonnant quelques fois de ma résistance.
J'avais remarqué dés mon entrée en fonction sa relation particulière avec son portable: vibreur en permanence, filtrage permanent, il ne répondait qu'à 10% des appels.
Il ne rappelait pratiquement jamais.
S'il désirait joindre quelqu'un, il utilisait (si j'étais là) mon portable.
Je fus vite infecté et reçus de nombreux appels pour lui, ce qui me permit (par ruse) de collecter un important fichier de décideurs et d’hommes politiques.
J'avais aussitôt institué un carnet des appels et consignes puis, par de simples textos, je lui adressais un condensé des messages que j'avais reçu à son intention.
Je savais qu’il appréciait mais, jamais ne me remerciait, ce n'était pas dans ses gènes.
Je remontais le courrier, l'ouvrais, le classais dans le classeur du jour.
Très souvent des invités venaient petit-déjeuner alors qu’il dormait encore, je m'adaptais comme souvent et toujours aux circonstances. J’organisais l'agape matinale tout tranquillement en attendant le réveil du grand ronchon.
Il avait beaucoup de mal à quitter sa peau d'adolescent.
Lorsque son réveil tardait, je collais l'oreille à la porte de sa chambre, je tentais discrètement de l'ouvrir .
Combien de fois ai-je reçu des oreillers en pleine gueule lorsqu’il était accompagné.
Plusieurs fois il s'était rendormi dans le sauna.
je fermais les robinets, le séchais, je l'enveloppais comme un enfant dans sa sortie de bain à capuche noire dans la salle de repos.
Avec douceur je lui rappelais que ses invités étaient en train de petit-déjeuner, qu'il était attendu pour un rendez-vous essentiel et important.
J’avais l’impression quelquefois que cette relation le rassurait, qu’il se complaisait dans son rôle de grand gosse choyé, presque chouchouté.
Il arrivait avec un sourire éclatant dans un jean's moulant et un tee-shirt encore mouillé.
Il prenait connaissance des news puis s'exprimait très cool évitant de s'excuser auprès des invités.
24- Le plumeau de Cendrillon.
Je le laissais avec ses conseillers, puis je retournais nettoyer la salle de bain, aérer sa chambre, effacer les traces nocturnes. Sur le matelas, dessous le drap-housse, j’avais glissé une protection étanche, une sorte d’alaise.
Il y avait quelques soucis d’étanchéité, des grosses traces de fuites maculaient sa literie, est-ce un mal-être profond ?
Il m’arrivait de devoir changer fréquemment l’ensemble de la literie et des draps de bain.
Je trouvais souvent sous son lit un véritable garde-manger ainsi que des préservatifs de petite taille.
L’aspirateur ne pouvait pas tout ingurgiter, il saturait largement.
Pendant que je me transformais en Cendrillon, s’il avait besoin de moi, il hurlait : Jules ! Jules ! Et je rappliquais avec mon plumeau et mon tablier rose. J’avais le sens de la "mise-en-scène" ses invités adoraient, mon côté anecdotier....
25- Repas surprise.
Il décidait fréquemment l’organisation d’un déjeuner ou d’un dîner de copains à la toute dernière minute. Je m’adaptais, je faisais face sereinement, finalement tout ses invités étaient toujours ravis.
Nous disposions dans les rues voisines, rôtisserie, traiteurs, boulangers, ouverts tardivement, ce qui me permettait de faire face et d’assumer ces dîners.
Je commandais toujours deux " gros oiseaux" rôtis à la broche au cas où, ainsi que des pommes de terre cuites au jus.
Combien de fois me suis-je trouvé à découper notre poulet de quatre en huit ou dix morceaux ou beaucoup plus.
Heureusement que nous disposions d’une grande réserve de pâtes, de diverses sauces, de fromages râpés ce qui me permettait de fournir ces agapes surprises.
Je conservais toujours au réfrigérateur deux à trois plats d’avance, d’une de mes spécialité : des gratins de coquillettes à la sauce béchamel ou à la sauce mornay avec des émincés de poulet ou de jambon et gratinées.
Il pouvait réchauffer lui-même les plats de gratin, s’il n’omettait pas de retirer le film plastique, ce qui arrivait quelquefois. Je collais un post it avec l’inscription : ne pas oublier d’ôter le film protecteur !
Si j'étais dans le coin j'assumais, mais, si j'étais parti, il disposait des numéros des livraisons à domicile : japonais, chinois, italien, gaulois, etc..
S’il essayait de m'appeler après ma journée de travail: c'était silence radio, sauf s’il venait au studio, si je m’y trouvais.
Le lendemain des dîners de copains sans Jules, était toujours pleins de surprises et de casses.
C’était la première fois dans ma vie professionnelle que je rencontrais une personne aussi maladroite.
Sa gaucherie, ses gestes malhabiles, sa force de mâle dans les affaires m’interrogeait. Je me comportais à son égard avec une aisance merveilleuse mais prudente.
Une émotion chantait dans mon cœur, quelque chose de maternel et paternel à la fois, cependant, je m’efforçais toujours de ne pas m’attacher.
C’était effrayant de constater autant de casse, il cassait tout et sans cesse, bouteilles, verres tulipes, verres ballons, coupes, assiettes, sa réputation était telle que ses amis lui offraient très souvent de la verrerie et de la vaisselle.
Sans doute pour être certain d’avoir un verre ou une assiette à table.
A leur arrivée, ils déposaient discrètement dans l’office les cabas, leurs achats ainsi que très souvent des bouteilles d’excellent vins.
A table, bogoss aimait une cuisine faite-maison. Je cuisinais toujours des viandes blanches désossés ou poissons sans arrêtes. Il raffolait de pâtes aux sauces maison avec des fromages précieux et rares. De temps à autre je préparais des gougeonettes de sole à la sauce tartare maison.
Lors de repas de proches, j'étais à table avec eux, je gouvernais gentiment les copains, tout en servant mets et vins.
26- Le pressing rétrécie les costumes.
J’avais remarqué, puisque l’intimité de son corps ne m’était pas étrangère, qu’il avait pris quelques petits bourrelets sournois.
Il n’était pas dans mes prérogatives de lui faire part de mes remarques anatomiques cependant, un matin, il en prit conscience et me demanda de changer rapidement de service de pressing.
Figurez-vous que le nettoyage à sec rétrécissait ses costumes.
Sur sa demande je changeais de fournisseur deux fois,de suite. Â sa troisième observation, je décidais d’acheter un pèse-personne, de placer à côté de celui-ci un carnet et un crayon, désormais, il devenait maître de son poids.
Il n’était pas né avec une cuillère en argent dans la bouche mais avec un cul bordé de nouilles, mais des nouilles aux truffes blanches.
Il n’arrivait pas à trouver une relation affective fidèle et stable, il m’en parlait souvent car la solitude lui pesait beaucoup. Était-il capable de partager ? de concéder ?
27- Le cabinet de curiosité.
Les conquêtes féminines (ses pintades) passaient, sans arriver à se poser. D’ailleurs, il ne faisait pas d’effort particulier pour s’en attacher une.
Un jour pourtant, une pintade, un peu moins pintade que les autres réussit à “partager sa natte” à plusieurs reprises et, finit par se faire “casser sa cruche”.(expression tirée de Sinouhé l’égyptien de Mika Waltari)
C’était une fausse alerte ! ouf ! , elle avait cru être enceinte.
Il était totalement paniqué, si un bébé arrivait, tu t’en occuperait m’avait-il dit-il.
D’origine étrangère, c’était une vrai chafouine rusée et opportuniste. Figurez-vous qu’elle était marié, elle servait de femme alibi à un mari qui préférait les jeunes hommes biens sur tout rapports...
A ce titre, elle avait deux passeports, deux cartes de sécu avec des patronymes différents. Elle me demanda un jour de lui remplir des attestations pour percevoir des allocations. Bogoss m’ordonna de la seconder sa préoccupation. Finalement, c’est dans le local à vélo du rez-de-chaussée que nous l’hébergions officiellement. Après avoir installé un wc chimique, un lavabo, une porte blindée et une plaque, elle disposait d’un pied-à-terre officiel aux yeux de la République française, aux frais de bogoss.
La chafouine-pintade disparu pendant quelque temps. Ça n’avait pas tellement l’air de chagriner Charles-Michel qui continuait de vivre des nuits intenses.
Une nuit, il y eu une bacchanale ou orgie très mouvementée. Ce matin-là, en ouvrant la porte il y avait une odeur bizarre et des zombies eux aussi bizarres.
Je me demande encore aujourd’hui, si ce soir-lā, il n’avait pas recruté un véritable cabinet de curiosité au complet.
Aussitôt entré, les canapés affichaient complet eux aussi. Il y avait deux frères, deux jumeaux blonds comme des blés mûrs, emboîtés l’un dans l’autre comme des Siamois, et deux androgynes qui semblaient atterrir d’une autre planète à mon arrivée.
Sur un autre canapé, il y avait Adam & Éve nus comme des vers. Une jeune femme, coiffée à la garçonne aussi large que haute avec un popotin démesuré.
On aurait cru à deux immenses miches de pâte à pain prêtes à être enfournées. Un véritable nu de Fernando Botéro en chair-en-os ou pâte-en- os.
Ce qui aurait pu ressembler à une poitrine, représentait deux Kilimandjaro sans les neiges éternelles, mais en peu plus arrondis.
J’ai pensé que c’était peut-être la fille de la célèbre lolote Bugatti ! Son soutien-gorge ressemblait presque à une double cabine d’ascenseur.
Allongé auprés d’elle en "tête-bêche", un éphèbe non sevré ou un chérubin attardé à la tête d’ange portant de sublimes cheveux longs châtains qui caressaient ses épaules.
L’éphèbe-chérubin âgé d’une vingtaine d’années était doté d’un phallus demeuré. La manière dont ils étaient positionnés m’interrogeait, étaient-ils morts d’épuisement ?
Le chérubin avait la tête dans "l’origine du monde" ( la célèbre toile de Gustave Courbet), la lolotte tenait le tuyau d’une pompe à essence presque en bouche ...
Buvait-elle à la source ou à la pompe ?
J’ai hésité à photographier cette recomposition d’un monde renversant renversé !
J’ai ouvert toutes les baies vitrée, j’ai prié tout ce petit monde de déguerpir rapidement, car je fermais la nurserie. Que s’était-il passé ?
Je ne pouvais que supposer, réparer, remettre en ordre, effacer, imaginer ?
La lolotte cherchait sa culotte lui, son caleçon, attention tu risques de te prendre les pieds dedans ! lui dis-je en souriant. Les siamois androgynes s’étaient esquivés discrètement un peu déçus par ma méthode expéditive. J’étais payé pour organiser une maison, je ne faisais pas dans le social.
Il m’a fallu plusieurs minutes pour assainir l’atmosphère du salon, me demandant si je n’allais pas retrouver un pétomane tant ça puait. Tout ce petit monde parti, ne voyant pas émerger Bogoss, j’ai tenté l’ouverture discrète de sa suite. Il n’était pas couché sur son lit.
Je retrouvais mon boss assis ou plutôt coincé dans les toilettes de son sauna. Sans doute pris par son excitation, son "hot-dog" était emprisonné entre la cuvette et l’abattant de la toilette.
Sa zigounette avait une drôle de forme et une couleur bizarre, on aurait un petit boudin bleu. Il souffrait terriblement, j’ai rapidement apporté un sac de plastique rempli de glace pilée pour anesthésier la douleur.
Il avait la mine des très mauvais jours. La situation apaisée, je l’ai laissé en tête à tête avec son pénis, puis je suis retourné effacer les traces restantes.
Il se leva tardivement, me demanda aussitôt un médicament contre les maux de têtes, une cuillère de bicarbonate de soude, et un autre sachet de glace pilée.
Il s’allongea sur un canapé et se rendormit paisiblement. Sa chambre était une véritable champ de bataille sans les cadavres, mais avec les odeurs. Je me suis abstenu de tout commentaire, ni n’ai posé aucune question.
Laissant du temps au temps .
Je crois que cette nuit, il avait atteint le fond, d’ailleurs, il n’est pas allé travailler ce jour-là, préférant procrastiner. J’avais chaussé mes charentaises pour ne pas faire de bruits pendant qu’il récupérait allongé sur la canapé.
28- le retour de la chafouine
Les jours suivants, il revenait de son bureau beaucoup plutôt que de coutume, j’étais souvent piégé. Je devais rester avec lui, ou il venait me chercher dans mon studio de service. Je comprenais qu’il avait besoin d’être aidé pour revenir dans un monde cohérent. Cependant, ma bienveillance avait comme limites : ma vie privée.
Il y eut un mois sans fastes sans sorties, sans réceptions.
Bogoss était devenu presque casanier.
Petit à petit, nous avions entrepris de mettre de l’ordre, d’épurer ses penderies, de revisiter ses cartons et accepter de donner. Miracle ! Le mot donné venait d’entrer dans son vocabulaire.
Pour la première fois, il voulait donner.
Sauf qu’après avoir trié, partagé, il fallait attribuer les vêtements donc s’en séparer.
J’enfermais dans la buanderie les vêtements avant qu’il change d’avis.
Après ces rangements, je préparais le dîner que nous partagions toujours accompagné par un grand vin de Bourgogne ou d’Italie.
De temps en temps, je faisais avec lui le point du trésor dissimulé en comptant les liasses, chacune comportait cent billets de cent, de deux-cents, de cinq-cents que nous attachions avec des bracelets élastiques.
Je continuais à être silencieux mais toujours inquiet.
Un jour la chafouine débarqua avec tout son saint-frusquin. Ce jour-là, j’avais le sentiment ou l’impression qu’elle allait rester jusqu'à la saint-glinglin et ce fut le cas.
C’était une très jolie fille, un peu moins pintade que les autres, mais avec des dents longues, tellement longues qu’elle aurait pu rayer les parquets.
Elle essaya de s’installer dans l’appartement.
Remarquant notre complicité avec mon boss, elle admit rapidement que je gouvernais seul la maison.
Installée dans les murs, elle prit pour habitude de se balader nue, je la voyais, mais je ne regardais pas.
Un matin, sortant le linge du séchoir, elle eut le culot ou le courage de me demander si j’avais une certaine démangeaison ou plaisir en touchant ses sous-vêtements.
Je n’étais ni déstabilisé ni surpris par sa question, j’éclatais de rire. Ça ne me dérange pas, mais ça ne me démange pour autant pas répliquais-je !
Comprenant qu’une gouvernante était désormais nécessaire, j’informais bogoss de mon départ prochain.
Dés la naissance de leurs jumeaux, nous nous sommes mis à recherche d’une nurse à plein-temps temps en résidence.
Quelques mois après l’arrivée de la nurse, après avoir organisé ma succession, je quittais ce jeune couple aujourd’hui séparé.
Je vous retrouve dans quelques semaines avec toujours le même plaisir de partager quelques moments de maprodigieuse vie professionnelle.
Peut-être vais-je enfin de vous parler de moi ?
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Conclusion
NOUVELLES ATTITUDES DÉS 2010
«La simplicité et l'élégance réunies, sont les signes distinctifs de la vrai noblesse»
Prince Ch.M. de TALLEYRAND PÉRIGORD
L'ÉDUCATION EST-ELLE ou DOIT-ELLE ÊTRE UN RÉFLEXE .?
Il m'est agréable de décrire mes faits et gestes, mes expériences, il m'est agréable de retracer ces moments d'échanges et de partage avec les personnes que j'ai servi avec honneur, fidélité & avec loyauté, quelquefois avec affection.
Je suis heureux de partager avec mes lecteurs des moments de symbiose et d'harmonie quelques fois d’amour affectif, des moments de grande complicité et confiance.
Je me suis très souven trouvé au croisement de la réflexion de la décision â prendre, combien de fois me suis-je posé la question lorsqu'il fallait être complice et servir ! Suis-je un salaud en fermant ma gueule ou suis un salaud en l'ouvrant ?
J’avais choisi de vivre dans l’ombre et dans le silence mais pas comme un lâche.
Il m'est agréable de me souvenir de tous ces instants , de les analyser, quelquefois de les revivre en pensées.
Je n’ai toujours pas compris pourquoi et comment la mentalité générale des personnes qui ont l'argent, la puissance, la gloire, l'influence, le pouvoir, les honneur, pourquoi toutes ces qualités disparaissent petit à petit. J’ai assisté passivement depuis l’an 2010 à un début de nivellement par le bas, des employés ainsi que des employeurs.
Je n'aurais pas de plaisir de décrire des situations difficiles et complexes auprès d’employeurs qui en se levant le matin se disaient : comment vais-je faire chier mes personnels, comment vais -je leur pourrir leur vie aujourd’hui ...
Comment vais je être désagréable comment vais je faire chier le monde et mon personnel aujourd'hui ..
Le personnel de maison doit faire abstraction à tous ses soucis, c’est là qu’est sa force : subir en silence pour ne pas subir.
En revanche il est fréquent de s’en prendre souvent plein la gueule.
Donc, il faut être comme un pare-tonnerre être traversé sans broncher. J’ai travaillé quelques temps pour une famille adorable sauf que quelquefois, madame pétait un câble.
Quelques minutes après sa colère elle me disait:« je vous prie de m’excuser de m’être emporté.» Sauf que ces algarades à force émaillaient mon capital confiance et de sympathie.
Au bout de la troisième ou quatrième fois je lui disais : Ma petite mère quand tu auras de meilleures dispositions d’esprit , je reviendrais. Je prenais mes affaires et je partais.
Au bout de deux fois elle avait totalement compris et admis qu’il ne fallait pas, et plus pas me taquiner.
Servir et ne pas subir what is the question ?
The mystery Butler | Jules mountbrion
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